Le spectateur intelligent : l’effet Batia Suter

BATIA SUTER – Radial Grammar | LE BAL

 

L’exposition de Batia Suter au BAL est-elle le must de l’été ?

English version included below

La programmation du BAL prend toujours des directions inattendues et c’est pour ça qu’on l’aime. Une ligne éditoriale qui explore l’image sous toutes ses formes et privilégie des manières de produire du contenu plutôt qu’une esthétique identifiée et répétée. Alors, y retrouver le travail de Batia Suter décliné en acrochage, installation et projection, c’est une stimulation à côté de laquelle on ne saurait passer.

Voir une exposition de Batia Suter, c’est toujours être surpris par des manières de travailler les images, de rejouer leur sens et de leur faire habiter l’espace.

 

Batia Suter, Radial Grammar, 2018 © Batia Suter

 

Extraction : l’image est isolée, prélevée, arrachée à son milieu. Pour déconstruire son appartenance à un univers bien identifié. Objectif : rendre à l’image ses qualités brutes, flottant quelque part entre forme, contextes possibles et signifiance.

Quelles images ? Toutes. Toutes, pourvu qu’elles se laissent plier à une quête de sens (et quelle image pourrait bien résister à cela ?) Mais à y regarder de plus près, les images de l’exposition sont plus homogènes qu’il n’y parait. Presque toutes sont en noir et blanc : schémas, diagrammes, photos tramées, comme sorties des pages d’un livre, donc déjà des représentations indirectes (ou médiatisées) de la réalité.

 

Batia Suter, Radial Grammar, 2018 © Batia Suter

La forme : le monde qui prend forme, l’évènement qui se cristallise en une forme (explosion, souffle, arborescence). Un moment de l’évolution. Archétypes du vivant. Et à travers ces formes, tracer une possible histoire du regard

Suture : rapprocher les images, les associer, les greffer l’une avec l’autre. Référence : Aby Warburg et son Atlas Mnémosyne. Objectif : commencer par débrancher la machine à l’intérieur du cerveau, cette machine à interpréter, à traduire, à construire, à faire des petites histoires avec tout ce qu’elle voit et qu’elle ne comprend pas. Pour succomber à l’hypnose.

Hypnose : retrouver le plaisir enfantin de feuilleter une encyclopédie, ne penser à rien, être dans l’émerveillement face à l’inconnu. Montage cinématographique. Une fascination.

 

BATIA SUTER – Radial Grammar | LE BAL

 

Batia Suter est cette magicienne des images, celle qui sait les mettre sous nos yeux comme si nous les voyions pour la première fois, celle qui sait les associer pour nous amuser, nous choquer, faire naître des concepts et les faire jouer entre eux.

Unir le bonheur de voir et la pensée féconde : Batia Suter embrasse toute l’histoire du monde, en quête d’une véritable archéologie du sens.

L’exposition Batia Suter – Radial Grammar se tient au BAL jusqu’au 26 août, tous les renseignements sont ici

Note : si comme moi, vous êtes littéralement fous des deux volumes de l’Encyclopédie Parallèle de Batia Suter, il vous faut découvrir deux volumes de bande dessinée, Alpha, Directions et surtout, Bêta, Civilisations 1, par un autre suisse, Jens Harder (parus chez Actes Sud BD). Démarche et projet qui ne sont pas sans rappeler ceux de Batia Suter.

 

 

 

 

English version

 

The intelligent spectator: the Batia Suter effect

Is Batia Suter’s exhibition at the BAL the summer’s must?

The programming of the BAL always takes unexpected directions and that’s why we love it. An editorial line that explores the image in all its forms and favours ways of producing content rather than an identified and repeated aesthetic. So, to find Batia Suter’s work in acrochage, installation and projection, it’s a stimulation you can’t miss.

To see an exhibition by Batia Suter is always to be surprised by ways of working with images, replaying their meaning and making them inhabit space.

Extraction: the image is isolated, taken, torn from its middle. To deconstruct his belonging to a clearly identified universe. Objective: to restore the image’s raw qualities, floating somewhere between form, possible contexts and meaning.

What images? All of them. All of them, as long as they allow themselves to be subjected to a search for meaning (and what image could resist that?) But if you look at them more closely, the images in the exhibition are more homogeneous than they seem. Almost all of them are in black and white: schematics, diagrams, raster photos, as if taken from the pages of a book, thus already indirect (or mediated) representations of reality.

Form: the world that takes shape, the event that crystallizes into a form (explosion, breath, tree). A moment of evolution. Archetypes of the living. And through these forms, to trace a possible history of the glance

Suture: bring the images together, associate them, graft them together. Reference: Aby Warburg and his Atlas Mnémosyne. Objective: start by disconnecting the machine inside the brain, this machine to interpret, to translate, to build, to make little stories with everything she sees and does not understand. To succumb to hypnosis.

Hypnosis: rediscover the childlike pleasure of leafing through an encyclopedia, thinking of nothing, being in awe of the unknown. Film editing. A fascination.

Batia Suter is this magician of images, the one who knows how to put them before our eyes as if we were seeing them for the first time, the one who knows how to associate them to amuse us, shock us, create concepts and make them play with each other.

Batia Suter embraces the entire history of the world, in search of a true archaeology of meaning.

The exhibition Batia Suter – Radial Grammar will be held at the BAL until August 26, all information is here

PS : if like me, you are literally crazy about the two volumes of Batia Suter’s Parallel Encyclopedia, you must discover two volumes of comics, Alpha and Beta, by another Swiss, Jens Harder (published by Actes Sud BD). This approach and project are not unlike those of Batia Suter.