J’aime le salon de Montrouge !

©Ariane Loze

Que faire ce week-end ? Aller au Salon de Montrouge, bien sûr. Visite guidée tout en pétillements, coups de coeur et convictions artistiques avec Laure Chagnon. Vite, il ne reste que quelques jours !

J’aime le salon de Montrouge !
Aux portes du métro, le Beffroi de Montrouge se dresse comme une imposante citadelle déterminée à défendre et à accompagner ses jeunes protégé(e)s.
On y entre optimiste, impatient de découvrir la nouvelle sélection. Et là, coup de fouet printanier ! Vitalité de l’art contemporain, on montre ici, en toute liberté, des mondes personnels et des préoccupation actuelles.
 
Ce qui lie les artistes du Salon, c’est leur jeunesse. La plupart sortent tout juste des écoles d’art. Etre jeune c’est savoir. Savoir ce qu’on fuit, savoir ce dont on a envie. Concrétiser, réaliser, le doute arrivera plus tard.
Et si un artiste construit toute sa vie une oeuvre autour d’une même obsession, il est émouvant de découvrir celles de ces nouveaux-venus sur la scène artistique. Car bien souvent, dans les premiers gestes artistiques produits dans les ateliers d’écoles d’art (et même en dehors), tout est là. L’artiste n’est pas en devenir, il « est », puisqu’il l’a décidé. La loi du marché, la pertinence des réponses de chacun(e) face aux sollicitations, l’énergie qu’il ou elle mettra à développer ses projets, fera le reste.

Deux mille candidats se sont  présentés cette année devant cette plateforme de lancement et cinquante deux ont été sélectionnés par un jury présidé par Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo.
Les directeurs artistiques, Marie Gautier et Ami Barak, ont choisi de regrouper les artistes dans quatre aires thématiques. Pas toujours très lisible, ce parti pris donne néanmoins au Salon une dimension d’exposition et engage un questionnement transversal sur les différentes productions.
Ainsi, le visiteur circule à travers des créations qui interrogent la nature et le paysage, puis il découvre les artistes de l’auto-fiction qui mettent en oeuvre leur identité. Puis, un autre chapitre, Pop Team Epic, en clin d’oeil au Pop Art, regroupe sans contrainte des artistes préoccupés par la sociologie et leur époque.
Enfin, la quatrième typologie serait celle d’artistes qui ont un travail réflexif sur l’histoire de l’art.

Il est alors bien tentant pour les aficionados du salon de Montrouge de vouloir de dégager un point commun entre les oeuvres présentées à cette 63 ème édition. Pour ma part, j’ai pensé à celui du jeu.

Le jeu, tout d’abord, avec les matériaux.
Céramique, verre, broderie, moulage, dessin, peu de photographie, mais aussi du cuivre, de la terre , du plâtre, des plantes vivantes, de la nacre, le sous sol du BHV n’y suffit plus ! Il semblerait que ces jeunes artistes ne renient pas les  pratiques d’ateliers et font feu de tout bois pour développer leur propos.

Le jeu d’acteur aussi.
Je décernerai bien quelques palmes à ce sujet. Notamment au comédien de la vidéo de Samuel Lecocq (prix des Beaux Arts). Ce photographe, passé à l’image filmée pour ne plus avoir besoin  de cartels, expose la magnifique colère d’un acteur contre son metteur en scène. Une belle prestation qui ne fait pas oublier son autre vidéo sur un centre de déradicalisation en bord de la Loire. Mystère, poésie et politique constituent une oeuvre forte.
Mais la Palme d’Or irait sans doute à Ariane Loze (prix du conseil départemental, c’est déjà pas mal! ) qui, dans des petites fictions qu’elle conçoit et réalise seule, joue tous les personnages. On l’observe en joli animal cocasse venir mordre au mollet notre humanité. Une friandise acide et très bien réalisée avec laquelle on aime s’abimer les dents.

 

©Ariane Loze

       

Jeu encore, avec le duo The Big Conversation Space qui propose aux visiteurs des jeux de société qui interrogent le corps social et son rapport à l’empathie. A vous de jouer.

Un autre particularité serait peut être aussi la présence volatile d’un imaginaire lié au Moyen Age, aux fêtes païennes, au carnaval.

©Romuald Dumas-Jandolo

Ainsi dans la proposition d’Arun Mali (grand prix du Salon-Palais de Tokyo) deux vidéos se font face. Dans la première, baignés dans l’eau d’un espace de loisir et dans une hyper luminosité, des corps lascifs semblent être au paradis ; dans l’autre, une fête de la saint Jean toute en nuit et en feu évoque l’enfer. Ici se chuchotent des mythes, des histoires anciennes.

©Arun Mali

Dans l’exposition, d’autres installations nous racontent des histoires. Des fables qui révèlent avec pudeur la violence du monde.
Fabien Marques documente malicieusement la mort d’un pauvre footballeur italien tué alors qu’il mimait un braquage. La finesse de son humour ayant sans doute échappé au bijoutier armé…

Samira Ahmadi Ghotbi, nous conte l’histoire d’un escargot qui, un jour, grignota dans son atelier une miniature persane. De ce petit drame naitra une bataille entre l’escargot et les figures représentées sur la miniature. Une guerre poétique et absolument réjouissante qui convoque lutte et résistance contre un ennemi finalement bien mou.

©Samira Ahmadi Ghotbi

Roland Burkart nous propose lui une oeuvre  en jeu de miroirs. (elle fera sans doute la joie des Instagrameurs). Cette boite de verre propice aux selfies, en plus d’être belle, créée par un artiste mathématicien, évoque les « cellules de grille », récemment découvertes. Notre cerveau mettrait en place un système d’orientation en utilisant une « grille » ici reproduite. Une oeuvre immersive qui nous met en relation directe avec notre nature propre.

©Roland Burkart

Beaucoup d’autres oeuvres sont encore à découvrir. Un parcours généreux, avec, parfois, une pointe de maladresse, qui nous présente un art contemporain plein d’humanité.


Le Salon de Montrouge est à… Montrouge, bien sûr ! 2 place Emile Cresp, jusqu’au 23 mai
Entrée libre

Formée à l’école des Arts Décoratifs, Laure Chagnon développe sa pratique artistique autour de créations hybrides mêlant photographie, verre et céramique. Elle anime actuellement un atelier libre de céramique à Paris.