D’Agata Limite(s) : une quête inlassable de photographies

Mais qui est le photographe ? Un personnage qui nourrit tous les fantasmes. Qui est-il vraiment quand on décide de le faire échapper à toute héroïsation ? Réponse avec D’Agata Limite(s), un film de Franck Landron, loin des clichés et des idées reçues, qui sort aujourd’hui en exclusivité au Saint-André-des-Arts, à Paris.

Dans les saisons 1 & 2 de House of Cards, la série de politique-fiction (quoique), il y a un personnage de photographe : le très chic Adam Galloway, dont s’éprend dangereusement Claire Underwood, la future première dame du pays et plus car affinités (no spoiler puisque la série est aujourd’hui achevée).
Adam représente à lui tout seul l’image glamour du photographe (probablement inspiré par James Nachtwey, le célèbre photoreporter américain). Ainsi, quand Adam se réveille à la maison dans son loft aux grandes baies vitrées (la luminosité, ça compte pour lui), entre un reportage sur un conflit et un autre sur une famine, il aime enfiler une chemise impeccablement repassée. Sa façon à lui de se laver de toutes les horreurs qu’il a côtoyées. Pourtant, tout au long du jour, il garde dans le fond de l’oeil, un soupçon de mélancolie (puis-je encore aimer malgré toutes les souffrances que mes yeux ont vues ?). Il manipule ses tirages comme une matière précieuse, une pépite d’or au coeur de l’enfer. Et il les donne généreusement si la cause est noble. Mais le photographe n’est qu’un oiseau de passage, et Claire ne vivra avec lui que quelques nuits de blackout déraisonnable, avant de redevenir une grande fille mature qui comprend où est son intérêt. Que de clichés sur un homme de clichés …

Antoine d’Agata n’est rien de tout ça. Et pour tout dire, il semble se foutre totalement du pli de son pantalon. Il est la quête inlassable de la photographie, dépouillée de toute afféterie.

Antoine d’Agata, ce sont les autres qui en parlent le mieux : le film de Franck Landron est ponctué de témoignages et d’analyses qui ne sont pas de pures hagiographies (mémorable scène caméra à l’épaule, sur le port de Marseille, où François Cheval nous régale d’une analyse à chaud percutante). De ses débuts punk-rock jusqu’à un aujourd’hui lancinant, rien n’est évacué du parcours de d’Agata, de ses moteurs et de ses failles intimes. Le voir en action, appareil en main, ressentir son humanité dans le rapport humain, le suivre tandis qu’il positionne ses petites loupiotes qui sont presque devenues sa marque de fabrique, c’est saisir le point d’origine des images d’Antoine D’Agata.
C’est se souvenir que, derrière tous les commentaires et les analyses de style, il y a un engagement permanent, une vie en photographies.

Le film de Franck Landron n’est pas un coup de poing, il ne contient aucun sensationnalisme, il n’est pas vénéneux. Il est plutôt une vapeur lourde, qui stagne dans la conscience longtemps après que les images se soient éteintes.

En exclusivité au Saint-André-des-Arts, Paris Séances à 13h les 27, 28, 29, 30 et 31 mars 2019, 1er, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 16 et 23 avril 2019
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