(English version included below)
Partir en quête des origines de la vie en suivant jour après nuit un très étrange animal, c’est le sujet de Deep Time, un très beau livre de Lynn Alleva Lilley, paru chez The Eriskay Connection.
Si la photographie emprunte si souvent les pas de la science, c’est parce que l’image fixe a, plus que l’image animée, la capacité de figurer des invisibles ou des impossibles. Et à s’appuyer sur ces images pour générer une rêverie poético-métaphysique.
Représenter une sorte de scène primitive, celle des origines de la vie, c’est le point d’arrivée de Deep Time, le livre de Lynn Alleva Lilley, paru chez l’un de nos éditeurs préférés, The Eriskay Connection.
L’ambition n’est pas mince. Le chemin pour y parvenir, plus modeste, puisqu’il prend pour objet d’étude le horseshoe crab (traduction française : crabe en fer à cheval, appelé aussi limule), incroyable arthropode marin vieux de 450 millions d’années, sorte de fossile vivant qui prolifère encore sur les côtes du nord-est des Etats-Unis.
Car il faut bien reconnaître que la limule n’a rien de très coquet, même si elle n’est pas sans charme pour qui s’attache aux marques de noblesse (elle a littéralement le sang bleu) et aux yeux de son ou sa partenaire (le premier vecteur de séduction pour le genre humain), puisqu’elle n’en a pas moins de dix (!).
La photographe traite son projet en entomologiste fascinée par son sujet. Elle le suit le jour comme la nuit, guette ses affleurements à la surface comme ses enfouissements dans le sable du rivage. Confronte ses observations à des images d’archives, arpente les musées en quête de fossiles. Le scrute au microscope et mesure sa croissance. Mais surtout, contemple l’océan et la lune.
Car c’est aux nouvelles lunes de mai et juin que les limules, en pleine période de reproduction, prolifèrent sur les côtes du Delaware, déposant au petit matin leur ponte, des dizaines d’oeufs ressemblant à des petits pois au wasabi.
Tout est là dans les photographies de Lynn Alleva Lilley, depuis les premiers émerveillements de ces formes enfouies dans le sable du rivage jusqu’au mouvement symphonique final qui voit le regard plonger sous la surface de la mer, s’enfoncer dans la soupe primitive d’où naîtront les premières molécules organiques. Photographies organiques ou documentaires, tantôt translucides tantôt opaques, intensément poétiques et surtout, servies par un récit formidablement construit, qui se termine en apothéose.
Définitivement, vous allez aimer le horseshoe crab.
English version
The impossible photograph of the origins
Searching for the origins of life by following a very strange animal, day after night, is the subject of Deep Time, a strong and beautiful book by Lynn Alleva Lilley, published by The Eriskay Connection.
If photography so often follows the steps of science, it is because the still image has, more than the moving image, the ability to represent the invisible or the impossible. And to use these images to generate a poetic-metaphysical reverie.
Representing a kind of primitive scene, that of the origins of life, is the arrival point of Deep Time, Lynn Alleva Lilley’s book, published by one of our favorite publishers, The Eriskay Connection.
There is no small ambition. The path to achieve this, more modest, since it takes as its object of study the horseshoe crab, an incredible 450 million year-old marine arthropod, a kind of living fossil that still proliferates on the northeastern coasts of the United States.
Because it must be recognized that the horseshoe crab has nothing very coquettish, even if it is not without charm for those who attach themselves to brands of nobility (it has literally blue blood, that is in french the expression for royal blood) and to the eyes of its partner (the first vector of seduction for the human race), since it has no less than ten (!).
The photographer treats her project as an entomologist fascinated by her subject. She follows it day and night, watching for its outcrops on the surface as well as its burial in the sand of the shore. She confronts her observations with archival images, surveys museums in search of fossils. It is examined under a microscope and its growth is measured. But above all, she contemplates the ocean and the moon.
Because it is at the new moons of May and June that the horseshoe crabs, in the middle of the breeding season, proliferate on the Delaware coast, laying their eggs in the early morning, dozens of eggs resembling peas in wasabi.
Everything is there in Lynn Alleva Lilley’s photographs, from the first wonders of these forms buried in the sand of the shoreline to the final symphonic movement that sees the gaze plunge below the surface of the sea, sinking into the primitive soup from which the first organic molecules will emerge. Organic or documentary photographs, sometimes translucent, sometimes opaque, intensely poetic and above all, served by a tremendously constructed narrative, which ends in apotheosis.
Definitely, you’re going to love horseshoe crab.