Bonne nouvelle : le tirage argentique retrouve le devant de la scène. Le voici même totalement exalté dans l’exposition de Vittoria Gerardi présentée à la galerie Thierry Bigaignon, à Paris.
Mais alors, l’argentique n’est pas mort ? Non, bien sûr ! Et puis, disons-le tout net : dans les prochaines décennies, il n’en finira plus de renaître. Sténopé, techniques anciennes, expérimentations en chambre noire réapparaitront régulièrement, et ce pour plusieurs raisons :
– La valeur historique. L’argentique sera toujours le grand ancêtre mythique de la photographie, la belle histoire qu’on raconte au coin du bac de révélateur : Nicéphore, le boulevard du Temple désert hormis l’homme qui fait cirer ses chaussures, les appareils de légende, etc.. Je ne vais pas mentir : moi aussi, j’adore raconter ça.
– La matérialité du support vs l’immatérialité de l’image numérique. Une idée tellement rabâchée qu’on en est déjà lassé… Une idée renforcée par l’inflation de la production d’images lorsqu’on travaille en numérique vs l’économie d’images induite par la pratique argentique.
-Le travail en laboratoire qui, selon le talent du tireur, peut se rapprocher du travail du peintre : production d’un exemplaire presque unique, non reproductible à l’identique. Une idée pas si récente puisque les photographes pictorialistes la défendaient déjà il y a 140 ans…
Dans un tel avenir, certaines démarches ou productions argentiques sembleront peut-être opportunistes voire réactionnaires. Ce n’est certainement pas le cas des oeuvres de la toute jeune Vittoria Gerardi dont l’exposition intitulée Confine (frontière, limite, en italien ) se tient à la galerie Thierry Bigaignon.
Peu d’élément dans ces images : du sable dont la granulosité se mêle à celle du support argentique, des souches fossilisées, une dune. Parfois quelques signes, ou deux lignes qui se croisent.
Au lieu d’être saturé de réel, le cadre de l’image est épuré, comme si la surface de départ était plus une page blanche qu’une surface encore muette, en attente d’être photosensibilisée. Par un délicat jeu de caches, Vittoria Gerardi réalise une sorte de collage photographique dont le résultat s’apparente à une calligraphie souvent à la limite de l’abstraction.
Aridité et lumière irradiante, évocation de La Vallée de la Mort, lieu symbolique du paysage américain, dont le nom trace lui-même une limite qui n’est pas que géographique. Comme des flammes brunâtres, les différents bains chimiques tracent leurs volutes sur le papier vierge.
Ce qui, il y a encore peu de temps, aurait pu passer pour une nostalgie des effets de la chimie argentique s’impose déjà comme une poésie entièrement renouvelée, capable de porter une écriture photographique du présent.
L’exposition de Vittoria Gerardi, Confine, se tient jusqu’au 4 novembre 2017 à la galerie Thierry Bigaignon, 9, rue Charlot, 75003 Paris.
Site de la galerie ici