Noces ou les Confins sauvages : un livre de photos pas comme les autres et une rencontre au BAL mercredi soir, 14 mars, avec l’auteur Hélène David, et son éditrice, Céline Pévrier.
Certaines photos nous renvoient aux émerveillements de l’enfance. Quand le temps n’avait pas pris encore l’épaisseur de l’ennui ou son avancée menaçante. Quand les choses ne se détachaient pas de leur expérience. Quand les images et le monde se confondaient dans un printemps éternel.
C’est en voyant cette photo d’Hélène David que je me suis souvenu d’une scène qui avait marqué ma jeune paternité. J’avais conduit mon fils aîné dans un aquarium de la côte bretonne. A la fin de la visite, nous avions chaussé des lunettes pour assister à une séance de cinéma en 3D. Hippocampes, tortues de mer et poissons-lunes semblaient flotter dans la salle tandis que mon petit garçon lançait les deux mains en avant pour les attraper, n’attribuant ses échecs répétés qu’à son manque d’habileté.
L’image était vivante.
Cette vie, elle est au coeur du projet photographique d’Hélène David : Noces, le très beau récit photographique édité par Céline Pévrier, publié aux Editions sun/sun, avec un texte foudroyant du poète Donatien Garnier.
Si on voulait trancher les choses, on pourrait distinguer deux types d’approches photographiques. D’un côté, celle qui consiste à s’inscrire dans une esthétique dite documentaire : rigoureusement descriptive, frontale, riche en détails et parfaitement définie. Une photo objective. A l’opposé (quoique, les deux types gagnent à s’interpénétrer), une image qui revendique la subjectivité de l’auteur, à tel point que celle-ci se transfuse directement au spectateur. J’appelle ça une photographie perceptive, utilisant plus ou moins sciemment des registres techniques renforçant cette idée d’image perçue plutôt que construite : le flou, le bougé, les éblouissements lumineux, les traînées de lumière. Une photographie axée sur une sensualité affirmée qui se prolonge, dans l’ouvrage, dans les superbes impressions sur papier gaufré que l’on parcourt à l’aveugle, du bout des doigts : la nature écrit en braille, et c’est une autre façon de la voir.
© Hélène David[/caption]
Mais Noces, c’est surtout une écriture photographique qui plonge dans la mythologie (les Métamorphoses d’Ovide) et la littérature (Noces à Tipsa, d’Albert Camus). Une photographie pas seulement faite avec l’oeil ou le cerveau, mais avec le corps tout entier (basée sur l’engagement physique expérimenté dans l’apnée et la danse contemporaine) et un vécu intime de l’environnement naturel.
Alors, autant qu’à la découverte d’un livre, c’est à l’exploration d’une démarche et d’une écriture que je vous convie ce mercredi 14 mars, à la librairie du BAL, à Paris, à 20H. J’aurai le plaisir d’interviewer Hélène David et ce qui m’intéresse, c’est d’entrer dans la cuisine de l’artiste, de connaître ses secrets de fabrication, ses moteurs intimes, son arrière-monde, ses influences. Et pour détailler l’editing et la fabrication du livre, Céline Pévrier nous sera infiniment précieuse.
Tous les détails sur cet évènement sont ici.