Une semaine placée sous le signe de la représentation de l’Invisible. Pour commencer, cette question : comment visualiser le son avec la photographie ?
Comment la photographie abstraite peut-elle témoigner de phénomènes invisibles ? C’est l’un des enjeux indirects de l’exposition « Photographisme » qui se tient dans la Galerie de photographies du Centre Pompidou. Avec cette question toute simple : comment donner une forme plastique à la musique ?
La notation musicale est apparue pour la première fois sous la forme de signes inscrits dans des tablettes d’argile par des clous (c’est l’écriture cunéiforme). Et depuis le XVIIème siècle, sa forme n’a guère évolué : les nombreuses tentatives de musiciens telles que les partitions Cagiennes, n’ont pas eu raison du conservatisme appliqué à la notation musicale actuelle.
William Klein va consacrer ses études à inventer une écriture photographique qui transpose l’écriture musicale et lui donne espace et liberté. Par l’expérience du photogramme, cet artiste américain mêle l’objet de sa création avec la sensibilité du papier. Il initie ainsi une nouvelle voie en matière de composition musicale tout en interrogeant notre incapacité à nous abstraire du réalisme pour nous tourner vers le réel.
Un autre artiste présenté dans l’exposition, le polonais Wojciech Zamecznik, traite lui aussi de la réalité sonore et plonge le spectateur au cœur de la matière. Ainsi le manifeste son étude pour l’affiche du festival international de musique contemporaine Automne de Varsovie. C’est le physicien allemand Ernst Chladni qui a découvert en 1787, qu’en saupoudrant de sable fin une plaque souple carrée qu’il inclinait ou faisait vibrer, certains sons dessinaient des images distinctes dans le sable. Peut-être est-ce en faisant écho à ces images quee Wojciech Zamecznik capte l’impact de l’onde sonore. C’est par l’expression d’une part de la réalité biologique du son qu’il témoigne de la contemporanéité dans son art photographique. William Klein ira même plus loin en poursuivant la question de l’interférence sonore par l’expression graphique d’une diversité de fréquences plus ou moins perceptibles. Le temps de l’expérience sonore ainsi que le tempo musical sont désormais rendus visibles.
Wojciech Zamecznik nous ouvre aussi les yeux sur des phénomènes musicaux sans lesquels une part de la réalité musicale serait impossible à réaliser : la graphie du chef d’orchestre ainsi que son rôle capital dans l’exécution d’une symphonie. Celle-ci témoigne du génie du chef d’orchestre tandis que le mouvement de la main du conductor sublime la logique musicale. Logique à laquelle se consacrera William Klein par le biais de la notation et du verbal en musique.
Alors, même si la lecture de cette exposition est peut-être un peu complexe, William Klein et Wojciech Zamecznik nous donnent à voir un ensemble de recherches qui questionnent notre expérience du son et de la musique. Et précisément, pour en percevoir les manifestations, le visiteur devra s’ouvrir à de nouvelles perspectives en matière de lecture et d’interprétation. Une exposition qui donc, fait travailler l’esprit autant que les yeux.
Camille Sauer
Artiste et compositrice, Camille Sauer interroge nos systèmes de représentations par le biais de la recherche écrite, schématique ou artistique. Dans son travail, tout est affaire de musique et de pédagogie.
L’exposition PHOTOGRAPHISME, KLEIN, IFERT, ZAMECZNIK se tient jusqu’au 29 janvier 2018 dans Galerie de photographies, (Forum -1) du Centre Pompidou.