La photographie est un champ d’expérimentation presque infini. Et certains artistes se sont faits une spécialité d’en explorer les confins, à des années-lumières d’une pratique mainstream. Steven Pippin est l’un de ces aventuriers, aussi inventif que subversif. Le tout pimenté d’une pointe irrésistible d’humour très british. Son exposition ouvre demain, le 14 juin à la Galerie de Photographies du Centre Pompidou et c’est un petit évènement. Lisez plutôt.
L’histoire commence en 1993, dans les sanitaires du train Londres-Brighton, que Steven Pippin convertit en studio et laboratoire pour la durée du voyage (55 minutes). Et ce sont même les cuvettes des toilettes qui servent de cuves de développement ! N’est-il pas surprenant que les toilettes du TGV n’aient jamais inspiré pareille idée ? Ça s’appellait : The Continued Saga of an Amateur Photographer.
Et de fait, la saga a continué par un hommage à l’une des grandes figures de la photographie, Edward Muybridge, pionnier de la décomposition du mouvement. Le cycle Laudromat Locomotion explore les possibilités du lavomatic en tant qu’instrument photographique et finit par culminer avec un projet fou : les machines à laver, transformées en sténopé, captent l’image du cheval et son cavalier lancés au galop dans le lavomatic ; le programme de lavage se transformant instantanément en programme de développement du négatif (révélateur dans le bac à lessive, fixateur dans celui de l’assouplisseur). On jubile. L’histoire de la photographie pour mieux la détourner et s’en amuser.
Steven Pippin choisit aussi de s’attaquer à la photo en iconoclaste. Ou plutôt, en matérieloclaste, inventant plusieurs dispositifs de mise à mort de la photographie. Un suicide iconique qui fait écho aux oeuvres de Jean-François Lecourt, et nous rappelle aussi que les expérimentations de Pippin appartiennent à une certaine période de l’histoire de la photo et de l’exploration de ses frontières (dont il avait aussi été question dans l’exposition commissarisée par Jan Dibbets, « la Boîte de Pandore »).
Pour autant, l’effet de surprise n’est nullement atténué et on se réjouira des paradoxes et des impasses des oeuvres les plus récentes : non caméras et appareils philosophiques. Un titre qui suffit à lui seul à nous mobiliser…
Allez hop, au galop vers l’exposition de Steven Pippin, à la galerie de photographies du Centre Pompidou (Forum -1), jusqu’au 11 septembre 2017
Et pour compléter la visite, le vendredi 16 juin à 17h, une rencontre/conférence avec Steven Pippin à l’Ecole Supérieure Nationale des Beaux-Arts de Paris