L’oeil plié ou l’infini dans la photographie

Marie Clerel, Lille, 10/09 10h30., 2016 épreuve unique - 200 x 130 cm, cyanotype sur coton,  Copyright Marie Clerel / Galerie Binôme
Marie Clerel, Lille, 10/09 10h30., 2016 épreuve unique – 200 x 130 cm, cyanotype sur coton,
Copyright Marie Clerel / Galerie Binôme



C’est avec le thème du pli que la Galerie Binôme entame son année 2017. Un thème passionnant qui s’épanouit avec bonheur dans l’image bidimensionnelle. Et qui est au coeur d’une relation singulière avec le spectateur. Petite exploration de la cartographie du pli.


Sergio Valenzuela Escobedo, En el reflejo del agua durmiente, 2016, copyright Sergio Valenzuela Escobedo / Galerie Binôme
Sergio Valenzuela Escobedo, En el reflejo del agua durmiente, 2016, copyright Sergio Valenzuela Escobedo / Galerie Binôme



C’est comme si le pli, par ce qu’il montre, cache, suggère et sous-entend symbolisait toutes les potentialités métaphysiques de la photographie, sa formidable capacité visuelle à exprimer notre rapport forcément incomplet avec le visible.

Au coeur des oeuvres présentées dans l’exposition, le jeu avec le réel : constructions ou processus illusionnistes, images à décrypter pour démêler surface et représentation. C’est cette dimension de codage (bien plus subtile que la simple virtuosité du trompe-l’oeil) qui fait tout l’intérêt d’une certaine photographie contemporaine.

Une érotisation du regard du spectateur : je te montre autant que je dissimule. Je crée du désir de voir. Du désir. Je te montre que je cache du visible. Je te montre que tu ne peux pas tout voir. Qu’il n’est pas seulement question de comprendre. Et que tu ne peux te satisfaire de seulement toucher avec tes yeux. Car cette érotisation se trouve renforcée par un appel à la manipulation : pour éprouver le réel de la surface, sentir les textures. Comme une incitation à déplier le réel.

Pourtant, si le visible se plie, c’est qu’il a un envers, une autre face. Alors, l’oeil plié, c’est surtout une vision oblique qui en deviendrait presque une théorie de la connaissance : savoir que tout est à voir, que tout est potentiellement visible mais ne peut être vu en même temps. Un coup de griffe à l’encontre du dogme qui défend une photographie réaliste et omnisciente.

Tout cela est en oeuvre dans cette photographie de Michel Le Belhomme, ci-dessous. Une construction porteuse d’illusion, un simulacre de matérialité. Un jeu. Un jeu plein d’intelligence, mais un jeu léger, qu’un souffle d’air pourrait faire s’effondrer. En équilibre fragile donc. Quoique : la photo, c’est justement ce qui cimente les constructions les plus éphémères.


 Michel Le Belhomme, #109 after Fischli and Weiss, 2016 série Les deux labyrinthes 2014-17, copyright Michel Le Belhomme / Galerie Binôme

Michel Le Belhomme, #109 after Fischli and Weiss, 2016 série Les deux labyrinthes 2014-17, copyright Michel Le Belhomme / Galerie Binôme



EXPOSITION :

L’œil plié. Artistes : Mustapha Azeroual, Hélène Bellenger, Anaïs Boudot, Marie Clerel, Alfredo Coloma, Michel Le Belhomme, Thomas Sauvin, Sergio Valenzuela Escobedo

Galerie Binome 19 rue Charlemagne 75004 Paris, du 3 février au 25 mars 2017