Petit discours de la méthode idéale pour construire une exposition, selon le point de vue du commissaire.
L’exposition Into One’s Mind qui se tient jusqu’au 8 mars, qui est le fruit d’une collaboration avec le collectif RPZ et trois artistes invités, et dont je suis commissaire, m’incite à coucher sur le papier quelques réflexions quant à la manière de construire une exposition.
Je ne prétendrai pas avoir découvert quelque chose en affirmant que l’exposition est en elle-même, une forme artistique plutôt qu’une organisation (un agencement) de formes artistiques (les oeuvres). Cette proposition ne va pourtant pas de soi. Elle est même souvent rejetée par ceux qui dénoncent une starification des commissaires aux dépens des artistes, et une véritable instrumentalisation des oeuvres décidée par les premiers.
Faisons au plus simple : il n’y a pas qu’une unique forme d’exposition. Nous ne penserons pas l’exposition de la même manière selon qu’il s’agit d’une exposition monographique ou collective. Ou bien selon que l’exposition se base sur un matériau artistique existant ou que c’est sa thématique qui génère les créations (elle peut, bien sûr, mêler les deux options).
Pourquoi (s’) exposer ?
A la racine, il faudrait questionner le geste-même d’exposer (poser au dehors). Dans le monde l’art, il semble aujourd’hui aller de soi, comme la suite logique de l’acte artistique. La chose n’est pourtant pas si simple.
Exposer, c’est prélever un objet de son milieu d’origine (l’atelier, la nature) pour le poser momentanément dans un autre milieu (celui du lieu d’exposition : galerie, musée, etc…), en vue d’une transplantation finale (dans une collection particulière, dans celle d’une institution, etc). La suite, spéculation, revente, oubli dans les réserves du musée, transfert pour une exposition, ne fait que répéter cette vie des oeuvres en tant qu’objets, laquelle ne doit pas être confondue avec l’autre vie des oeuvres (la vraie) : ce qu’elles activent sous l’effet des gestes et des regards.
Là où exposer ne va pas de soi, c’est qu’anticiper le regard de l’autre n’est pas toujours au programme. C’est ainsi l’un des traits qui me fascinent le plus chez les artistes bruts : exposer, pour eux, c’est poser hors d’eux, devant eux. Un peu comme s’ils extrayaient eux-mêmes un de leurs organes pour le poser sur la table et le considérer. Ce brut de l’art brut se passe de tout horizon public, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il n’a aucune adresse. Mais plutôt qu’il peut faire l’économie de l’exhibition (j’emploie ici à dessein le mot anglais pour exposition).
Une définition
de l’exposition
Si l’exposition ne va pas de soi, alors l’accrochage ne se résume pas à une organisation dans laquelle il s’agit de résoudre une équation de l’ordre de : espace disponible + oeuvres = exposition. L’accrochage doit avoir un sens et ne pas compter, pour trouver sa cohérence, sur un nappage qui lui serait extérieur (rôle joué trop souvent par la scénographie).
Il y aurait donc une manière de travailler l’exposition pour qu’elle corresponde à cette définition : l’exposition c’est ce que produisent les oeuvres ensemble.
L’exposition idéale
(on peut rêver)
Rêvons. Posons quelques principes d’une exposition idéale en adoptant le point de vue du commissaire :
Explorer un thème, une idée, un concept.
Constituer un groupe d’artistes comme un commando.
Echanger, travailler ensemble.
Faire confiance mais infléchir légèrement certains processus de création. Ecouter.
Interroger le sens de chaque oeuvre et la cohérence de son inscription dans le projet général.
Laisser monter l’ensemble vers l’instant où les oeuvres seront rassemblées dans l’espace, encore au repos.
A cet instant, observer : la toile vierge, ce sont maintenant les murs et l’espace.
Enregistrer les contraintes.
Assembler le puzzle pièce par pièce. Ne se soumettre à aucune évidence.
Progresser, approcher de la fin.
Remettre en question certains choix dont on était pourtant sûr, afin de parvenir à l’équilibre.
Chaque oeuvre est maintenant comme un élément syntaxique, ayant trouvé sa position dans l’espace. L’exposition s’écrit. Avec le spectateur.
Avec le spectateur
Car justement, si la pièce peut alors commencer, les pièces doivent encore être activées : ce sont les visiteurs qui en sont les acteurs, ceux qui mettent l’art en mouvement.
Plus d’informations
L’exposition Into One’s Mind se tient à Aubervilliers, au 49 avenue Jean Jaurès jusqu’au 8 mars.
Des visites de l’exposition sur rendez-vous sont organisées jusqu’à vendredi de 14h à 18h. Pour prendre rendez-vous, envoyez un mail à collectif.rpz@gmail.com
*Samedi 7 Mars : 14h-18h , visite de l’exposition en présence des artistes et du commissaire.
*Dimanche 8 Mars | 14h-22h
15/16h : visite commentée de l’exposition avec les artistes et le commissaire
16h/17h30 : conférence musicale de Jean-François Piette puis performance de Isabelle Mangou et Evelyne Perard
Finissage 18h – 22h