Les photos de Yves Marchand et Romain Meffre, vous les connaissez certainement. Un Detroit en ruines, réduit à l’état de ville-fantôme. Les deux auteurs furent même des pionniers de ce qu’on appelle l’urbex, l’exploration des lieux abandonnés, un sujet toujours vif dans la photographie contemporaine ( cf. les Vestiges d’Empires, de Thomas Jorion).
Ces photos donc, vous les connaissez. Mais vous ne les avais jamais entendues. Oui, oui, entendues.
C’est le projet du bassiste Sylvain Daniel : composer la bande-son de ces images. Pas seulement parce qu’il a trippé sur les photos, mais aussi parce que Detroit est un lieu mythique pour les musiciens : berceau de la Motown, le hip-hop de Jaydee, la techno de Juan Atkins…
Ça s’appelle Palimpseste. C’était samedi dernier à Paul B, la scène très hype de Massy-Palaiseau.
Ok, de la musique sur des photos, ce n’est pas tout à fait nouveau. Le Slide show de Nan Goldin, The Ballad of Sexual Dependency, a toujours été accompagné live par des groupes de rock. Et plus près de nous, les photos de Guy Le Querrec ont été à plusieurs reprises prétexte à des concerts-impros avec des jazzmen.
Dans Palimpseste, deux vidéastes/scénographes, Laurent Simonini et Yves Le Guen ont imaginé un dispositif aussi léger qu’efficace : trois écrans angulés et un cyclo sur lequel sont projetées les photos. Une caméra qui filme les musiciens en direct et intègre parfois ces images aux photos. Des photos retaillées, découpées, triturées, morcelées, animées. Zoom et dézoom. Détails qui se répondent. Essayez de proposer de pratiquer toutes ces opérations sur les images d’un photographe (surtout un photographe qui fait des photos extrêmement soignées à la chambre) pour voir un peu à quelle hauteur il va sauter au plafond.
Alors, ils ont réagi comment Meffre et Marchand ?
Sylvain Daniel : comme je voulais tailler dans les photos, je les avais invités à la résidence et ils m’ont répondu « non, non, ça va plutôt foutre la merde qu’autre chose, vas-y, fais ce que tu veux ». Ils sont venus au concert et ils ont adoré.
Les images vivent selon un scénario qui colle à la playlist : pulsations groovy, travellings lents et méditatifs pour une ou deux balades, atmosphères sombres zébrées de riffs incandescents ou animations frénétiques pour des transes électros. Le voyage n’est pas que dans les yeux : il est mental aussi bien que physique.
La prochaine occasion de voir cette création, c’est … en Italie. Mais nous, on aimerait voir Palimpseste dans les festivals de photos. Vite.
La line-up de Palimpseste : Sylvain Daniel (basse, compositions), Laurent Bardainne (saxophones), Manuel Peskine (piano, claviers), Mathieu Penot (batterie) + Laurent Simonini et Yves Le Guen (scénographie).
Toutes les photos, © Bruno Dubreuil