(English version included below)
Des oeuvres étranges à Paris Photo.
Il serait vain de chercher à dégager le futur de la photographie dans une manifestation aussi large et diversifiée que Paris Photo. Ce futur est peut-être plus lisible dans des évènements à taille plus réduite, par exemple dans le salon Approche Paris, qui faisait la part belle à toutes sortes d’expérimentations et d’iconoclasmes photographiques.
Pourtant, à Paris Photo, d’un espace d’exposition à l’autre, des oeuvres nous arrêtent et se font écho. Elles sont étranges, leur simplicité et leur fragilité apparaissent un peu incongrues lorsqu’elles sont mises en regard avec certains tirages aussi majestueux que clinquants.
Elles relèvent d’une sorte de bricolage sympathique : quelques tirages ou impressions photographiques, des feuilles de couleurs ou des parties peintes, des baguettes de balsa, et pour tenir l’ensemble, des pinces ou des punaises. Rien donc qui puisse enrichir les encadreurs.
Une forme non limitée dans l’espace, presque encore en expansion. Quelque chose entre la maquette d’école élémentaire et le projet en construction, entre sculpture et photographie : encore un OPNI (Objet Photographique Non Identifié).
Une apparence formelle commune qui, toutefois, ne nous assure pas que leur champ esthétique est identique, qu’elles ouvrent sur le même type de signifiance. Mais il est indiscutable qu’elles travaillent la photographie avec les mêmes outils.
Mais alors de quoi faudrait-il parler ici ? De photographie augmentée (le terme commence a largement commencé à fleurir) ? De photographie enrichie (on sait trop bien que l’enrichissement, par exemple celui de l’uranium, peut nous conduire à tout faire péter) ?
Il serait peut-être plus juste de parler de photographie détournée. Ou plutôt, déviée. Comme on dévie le cours d’un fleuve pour le faire sortir de son lit et qu’il aille irriguer d’autres plaines. Ici, le lit d’origine serait le réel, la photo en tant que « fenêtre ouverte sur le monde réel ». Et les plaines à fertiliser, celles du rapport produit entre ce réel et une autre forme du réel : celle apportée par la concrétude de l’objet.
Dans cette concrétude de la matière, dans son volume opposé à la platitude du tirage photographique, dans la souplesse et la volatilité de l’ensemble, la photo se trouve dépossédée de ses qualités originelles et peut entamer de nouveaux voyages esthétiques.
Art never stops.
English version
Photographic deviations
It would be futile to seek to unravel the future of photography in an event as large and diverse as Paris Photo. This future may be more visible in smaller events, for example in the Approche Paris exhibition, which featured all kinds of photographic experiments and iconoclasses.
Yet, in Paris Photo, from one exhibition space to another, works stop us and echo each other. They are strange, their simplicity and fragility seem a little incongruous when compared with some of the majestic and flashy prints.
They are a kind of sympathetic do-it-yourself: a few prints or photographic impressions, sheets of colour or painted parts, balsa sticks, and to hold the whole, pliers or pins. Nothing that could enrich the framers.
An unlimited shape in space, almost still expanding. Something between the model of an elementary school and the project under construction, between sculpture and photography: another UPO (Unidentified Photographic Object).
A common formal appearance that, however, does not ensure that their aesthetic field is identical, that they open onto the same type of significance. But it is indisputable that they work with the same tools in photography.
But then what should we talk about here? Augmented photography (the term has largely started to flourish)? Enriched photography (we know all too well that enrichment, for example uranium, can lead us to blow everything up)?
It might be more accurate to talk about misappropriated photography. Or rather, deviated. As one diverts the course of a river to get it out of its bed and irrigates other plains. Here, the original bed would be the real, the photo as a « window to the real world ». And the plains to be fertilized, those of the relationship produced between this reality and another form of reality: the one brought by the concreteness of the object.
In this concreteness of the material, in its volume opposite to the platitude of the photographic print, in the flexibility and volatility of the whole, the photo is deprived of its original qualities and can begin new aesthetic journeys.
Art never stops.