C’est l’ambition (ou le rêve ?) de tout analyste de la photographie : parvenir à ouvrir l’éventail des pratiques photographiques contemporaines. Montrer les écarts tout en les rassemblant dans une même qualité d’expression. C’est la réussite de Else, la revue du Musée de l’Elysée de Lausanne.
C’est toujours avec une certaine gourmandise que j’accueille la dernière parution de Else : grand format, papier et impression de haute qualité, travaux photographiques développés sur plusieurs pages et surtout, des découvertes à chaque numéro.
Mais ce qui m’impressionne le plus, c’est la capacité à réunir des approches extrêment différentes qui, juxtaposées, semblent définir un même champ : celui de la photographie d’aujourd’hui.
Livrons-nous à notre péché mignon : la catégorisation.
La photographie comme pratique reliée à l’Histoire (les photos retravaillées par Marcelo Brodsky, ou l’ensemble des ouvrages saisis aux membres de la guerilla du Sentier Lumineux, présenté par Pablo Hare), et à sa propre histoire ( émouvants pin’s photographiques venus d’Asie présentés par Erik Kessels).
La photographie comme pratique liée au pouvoir d’écrire et de raconter une histoire en images (une approche que je mets souvent en avant sur ce blog). Que ce soit dans un rapport autobiographique (le projet Corbeau signé Anne Golaz) ou plus documentaire/narratif (ne passez pas à côté des attendrissantes chroniques de Ad Nuis).
La photographie comme pratique expérimentale qui exploite ses potentialités physiques : les photogrammes du libanais Nadim Asfar ou les émulsions chimiques flottantes du chinois Jiang Pengyi (on notera au passage que le champ éditorial de la revue n’est pas seulement esthétique mais aussi géographique).
Une pratique artistique capable de porter une critique sur notre monde et de notre rapport à l’image : par l’usage de la fiction (Maurice Mbikayi) ou par une approche plus conceptuelle (les petites natures mortes de Simon Tanner, avec la complicité hasardeuse du logiciel Caption Bot).
Car la photographie a aussi ce pouvoir singulier, celui de se parer d’une apparente légèreté (Nicolas Daubanes) ou d’humour (les sculptures mousseuses de Mathieu Lavanchy) pour être encore plus subversive et mieux nous interroger sur… nos catégories esthétiques : la boucle est bouclée !
Et c’est déjà Noël : les trois premières personnes qui enverront un mail indiquant leur adresse postale à l’adresse bruno@ourageis13.com recevront en cadeau le dernier numéro de Else. A vos claviers !