Lettre à Bruno Manser d’Isabelle Ricq et Christian Tochtermann

©Isabelle Ricq et Christian Tochtermann – Lettre à Bruno Manser

English version
Versión Española

Entrelacer témoignage, engagement écologique et imaginaire dans un livre photographique

Notre photobookista Olenka Carrasco certifie que son déplacement est lié au motif*… de l’évasion imaginaire indispensable à nos vies actuelles – mais aussi d’engagements futurs – et ceci grâce au livre d’Isabelle Ricq et Christian Tochtermann. 

Un voyage en aller-simple : cette image a toujours été une métaphore pour moi de ce que signifie lire un livre. Il y a des livres qui te font reconsidérer cette idée pour te confirmer qu’il ne s’agit pas seulement d’un voyage, mais de multiples possibilités de réaliser un trajet. Aujourd’hui, je veux vous parler d’un livre dans lequel nous allons voyager de façons très diverses tout en étant confinés à la maison. Aujourd’hui, je vous invite à m’accompagner dans un périple exotique et mystérieux, une investigation, l’évolution et la disparition d’une légende de l’activisme écologiste. Joignez-vous à moi pour découvrir Lettre à Bruno Manser d’Isabelle Ricq et Christian Tochtermann.

©Isabelle Ricq et Christian Tochtermann – Lettre à Bruno Manser

Lettre à Bruno Manser

Il y a de cela quelques semaines, je reçois un livre énigmatique accompagné de quelques mots de ses auteurs. Je ne cherche aucune information, j’essaie de ne pas lire le thème de l’ouvrage avant de me laisser submerger par la lecture de cet exemplaire. C’est ma façon de travailler : j’aime qu’il y ait une première expérience entre le livre et ma lecture. A première vue, une édition classique : ses dimensions me font penser à un catalogue ou à un livre d’art ; sur la couverture, une image me rappelle les jungles épaisses et tropicales du Laos ou du Venezuela que j’ai un jour traversées. Le titre, gravé en blanc sur sa couverture rigide, me rappelle combien j’aime le genre épistolaire ; il est accompagné du sous-titre “la disparition de l’homme penan”.

J’imagine, à juger par les 270 pages, qu’il y a ici un mystère. J’ouvre le livre, je découvre la carte en deuxième de couverture. Je ferme le livre mais ne l’abandonne pas, et ce n’est qu’au début du confinement en France dû au COVID-19 que je me rends à ses pages. Le moment m’a semblé idoine pour m’échapper des murs de béton de mon enfermement et m’aventurer dans la jungle de Bornéo.

Le livre est construit comme une lettre destinée à Bruno Manser. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Manser (Suisse, 1954) est une personnalité emblématique qui a beaucoup fait parler d’elle et qui a causé de sacrés casse-têtes aux chefs d’Etat. Catalogué comme un activiste écologiste, Manser et son histoire restent méconnus jusqu’en 1984, quand il décide d’intégrer l’une des dernières communautés aborigènes pratiquant le nomadisme : les Penan, à Bornéo. Le livre, minutieux et détaillé, nous aide à connaître Bruno Manser au travers d’une série de photographies réalisées par les auteurs ainsi que des images d’archive de Manser lui-même, de ses journaux, des photographies appartenant à sa famille et à ses collaborateurs. Le fil conducteur de tout ce corpus photographique, formellement documentaire, est cette lettre fragmentée en petites légendes qui au fond nous racontent son histoire.

©Isabelle Ricq et Christian Tochtermann – Lettre à Bruno Manser

Une histoire qui se présente en 2011 à Ricq et Tochtermann comme un puzzle complètement désordonné, avec des pièces manquantes, des pièces en trop, sans début ni fin, ou du moins avec une fin incertaine. L’une des caractéristiques les plus éloquentes et exploitées de l’image de Bruno Manser est le fait même de sa disparition : en mai de l’année 2000, Manser disparaît dans la jungle de Bornéo ; après des années de recherche, il est officiellement déclaré mort en 2005, bien qu’on n’ait pas trouvé trace de son corps.

Mais entre 1984 (voire même un petit peu avant) et 2005, vingt ans passent de l’histoire de Manser, de sa vie et de sa lutte racontées dans le livre qui fait d’ingénieux sauts entre le passé, le présent et un peu le futur.

©Isabelle Ricq et Christian Tochtermann – Lettre à Bruno Manser

Isabelle Ricq et Christian Tochtermann

Lors de ma conversation avec Ricq et Tochtermann, je conviens que la construction de ce puzzle n’est pas une tâche facile : la lutte de Manser, son mode de vie et sa disparition ont servi à générer une légende, un mythe qui peut être souvent remis en question, manipulé ou biaisé par certains intérêts. Voilà l’une des interrogations fondamentales pour les auteurs, qui transforment la résolution de ce casse-tête en un projet personnel qui dure neuf ans. Ils financent toute la réalisation de ce travail jusqu’à la phase de production éditoriale. Tout en connaissant les intérêts qu’il peut y avoir autour de ce projet, Ricq et Tochtermann veulent pouvoir rassembler les pièces, découvrir et raconter postérieurement l’histoire sans avoir à répondre à une quelconque entité.

Comprenant l’importance de demeurer fidèle et objective sur l’histoire de la vie de Manser, et me faisant l’écho de la façon dont les auteurs traitent de sa vie, je décide de ne rien paraphraser. Dans le livre, non seulement les auteurs racontent la vie de Manser, mais d’une façon brillante, ils font également référence à un présent que Manser n’a pu connaître, en montrant les moments de lutte des peuples autochtones contre les politiques publiques qui, à des fins d’intérêts économiques, contribuent à la déforestation de la région, mais aussi l’inexorable arrivée de la modernisation technologique aux villages reculés avec l’intérêt bien connu que ce progrès réveille dans ces communautés.

J’explique à Ricq et Tochtermann qu’une question se pose sur ce projet dès la couverture : bien que le travail photographique réalisé soit formellement documentaire, le fait de le faire exister autour d’une lettre personnelle me fait pressentir qu’il y a un besoin personnel de raconter cette histoire. Ricq m’explique que le titre est choisi depuis leur premier voyage dans la région réalisé en 2011. Tous les deux photographiaient comme s’ils destinaient leurs photos à Manser, comme voulant lui raconter à lui l’histoire avant tout. Derrière la lutte de Manser, Ricq reconnaît au début une espèce de reflet de sa propre recherche ; un rapide coup d’oeil sur les projets de Ricq tels que The man who sold the world I et II nous aide à comprendre cette connexion. Quant à Tochtermann, le nom de Manser et la curiosité de travailler sur lui viennent de Ricq. Dans son oeuvre photographique, principalement centré sur l’architecture, Tochtermann accumule une vingtaine d’explorations dans des lieux abandonnés dans lesquels il photographie l’histoire, l’absence, le vide de ces lieux insolites. Tochtermann insiste sur l’importance pour lui de raconter l’histoire avec une distance objective, en étant minutieux.

©Isabelle Ricq et Christian Tochtermann – Lettre à Bruno Manser

Après neuf ans d’allers-retours à la rencontre de Bruno Manser, le projet de Ricq et Tochtermann réveille un intérêt enthousiaste chez la maison d’édition suisse Sturm&Drang. Les auteurs et l’éditeur travaillent main dans la main et le résultat reflète tout le détail de cette exhaustive investigation.

En feuilletant le livre, quand je marque une pause sur chacune de ses légendes, je me rends compte que je suis en train de réaliser ces différents voyages en même temps. Le voyage de Bruno Manser, son chemin de la Suisse à Bornéo, et sa vie auprès des Penans, mais également – ou surtout – le voyage de Ricq et Tochtermann dans tous ces lieux, autrefois territoires de Manser, pour reconstruire son histoire. A tous ces parcours s’aligne mon propre voyage, celui qui se réalise dans le confort de mon fauteuil, en avril 2020, après 36 jours de confinement en France. Mes doigts parcourent la texture épaisse mais soyeuse du papier Symbol Tatami dans lequel est imprimé le livre, je me laisse emmener aux lieux de ces double-pages parsemées dans le livre. Je me pose des questions, je me perds dans la jungle.

©Isabelle Ricq et Christian Tochtermann – Lettre à Bruno Manser

Dans notre contexte actuel, je me rends compte que les précepts sur lesquels se base le livre sont plus actuels que jamais. L’éternelle et archiprésente question de « comment sera le monde de demain » est devenu une réalité prégnante pour la plupart d’entre nous, alors qu’elle existait depuis des années pour quelques uns. Parmi eux, Bruno Manser. Le rencontrer, se confronter à sa recherche, rassembler les pièces, imaginer les fins possibles, se découvrir, tout ce parcours dans un livre, dans une lettre – pratiquement une déclaration d’intentions.

J’ai oublié de demander aux auteurs comment ils pensent que Bruno Manser lirait leur lettre. J’imagine que la réponse restera en suspens, comme ces messages occultes dans des bouteilles qui se lancent à l’infinitude de la mer sans savoir si elles arriveront un jour à bon port.

*La formule « certifie que son déplacement est lié au motif de » est la formule de nos attestations officielles de sortie. Nous l’écrivons chaque jour depuis le début du confinement…

 

Isabelle Ricq ©Jérémie Beylard
Isabelle Ricq ©Jérémie Beylard
Christian Tochtermann
Christian Tochtermann

Lettre à Bruno Manser est le fruit de la première collaboration entre les photographes Isabelle Ricq et Christian Tochtermann.

Isabelle, qui a passé plusieurs années à photographier la destruction des forêts tropicales et leur remplacement par de gigantesques plantations de palmiers à huile, et Christian, photographe d’architecture passionné par ce que les lieux abandonnés disent des Hommes, ont trouvé dans ce projet la parfaite convergence entre leur fascination pour la marche de l’Histoire, les empreintes du passé, et l’expression de leurs convictions.

Sites Internet : isabellericq.fr / tochtermann.fr

 

 

Plus d’informations
Sturm&Drang
89SFR
Hardcover with embossed image fold out pages
23,5 x 28 cm, 270 pages, 234 images.
ISBN: 978-3-906822-28-0 (french) / 978-3-906822-27-3 (german) / 978-3-906822-24-2 (english)

 

 


Oleñka Carrasco

Écrivaine et photographe, Oleñka Carrasco met son accent au service de Viens Voir une fois par mois, pour la découverte de photobooks, livres d’artistes, livres de photo-texte, mais aussi des éditeurs indépendants. Bref, toutes les tendances de l’objet livre.
Fanatique de la création d’histoires, elle sera notre guide d’exploration dans le monde des livres.

email : hola@olenkacarrasco.com / Internet : olenkacarrasco.com / Instragram : olenkacarrasco


 

English Version

Combining testimony, ecological commitment and imagination in a photographic book

Our photobookista Olenka Carrasco certifies that her move is based on the motive* … of the imaginary escape that is essential to our present lives, but also of future commitments, thanks to the book Letter to Bruno Manser by Isabelle Ricq and Christian Tochtermann. 

A one-way trip: this image has always been a metaphor for me of what it means to read a book. There are books that make you reconsider this idea to confirm that it’s not just about a journey, but about multiple possibilities to make a journey. Today, I want to talk to you about a book in which we are going to travel in many different ways while being confined to our homes. Today, I invite you to accompany me on an exotic and mysterious journey, an investigation, the evolution and disappearance of a legend of environmental activism. Join me on this journey and discover Letter to Bruno Manser by Isabelle Ricq and Christian Tochtermann.

A few weeks ago, I received an enigmatic book with a few words from its authors. I am not looking for any information, I try not to read the theme of the book before submerging myself in reading this copy. This is my way of working: I like that there is a first experience between the book and my reading. At first glance, a classic edition: its dimensions make me think of a catalogue or an art book; on the cover, an image reminds me of the thick tropical jungles of Laos or Venezuela that I once crossed. The title, engraved in white on its hard cover, reminds me how much I love the epistolary genre; it is accompanied by the subtitle « the disappearance of the penan man ».
I imagine, judging by the 270 pages, that there is a mystery here. I open the book, I discover the map on the back cover. I close the book but do not abandon it, and it is only at the beginning of the confinement in France due to COVID-19 that I go to its pages. The moment seemed to me ideal to escape from the concrete walls of my confinement to venture into the jungle of Borneo.

The book is constructed like a letter to Bruno Manser. For those who don’t know him, Manser (Switzerland, 1954) is an emblematic personality who has been much talked about and has caused quite a stir among heads of state. Catalogued as an environmental activist, Manser’s story remains unknown until 1984, when he decided to join one of the last aboriginal communities that practice nomadism: the Penan in Borneo. The book, meticulous and detailed, helps us to get to know Bruno Manser through a series of photographs taken by the authors as well as archive images of Manser himself, his journals, and photographs belonging to his family and collaborators. The guiding thread of this entire photographic corpus, formally documentary, is this letter fragmented into small legends that basically tell us his story.
A story that presents itself in 2011 to Ricq and Tochtermann as a completely disordered jigsaw puzzle, with missing pieces, excess pieces, without beginning or end, or at least with an uncertain end. One of the most eloquent and exploited features of Bruno Manser’s image is the very fact of his disappearance: in May 2000, Manser disappeared in the jungle of Borneo without a trace; after years of searching, he was officially declared dead in 2005, although no trace of his body was found.
But between 1984 (or even a little earlier) and 2005, twenty years pass in the history of Manser, his life and his struggle told in the book, which makes ingenious leaps between past, present and a bit of the future.
In my conversation with Ricq and Tochtermann, I agree that constructing this puzzle is not an easy task: Manser’s struggle, his way of life and his disappearance have served to generate a legend, a myth that can often be dithered, manipulated or biased by certain interests. This is one of the fundamental questions for the authors, who transform the resolution of this puzzle into a personal project that lasts nine years. They finance all the work up to the editorial production phase. While they know the interests that may surround this project, Ricq and Tochtermann want to be able to put the pieces together, discover and later tell the story without having to answer to any entity.
Understanding the importance of remaining faithful and objective about the story of Manser’s life, and echoing the way the authors deal with his life, I decide not to paraphrase anything. In the book, not only do the authors tell the story of Manser’s life, but in a brilliant way, they also refer to a present that Manser could not have known, showing the moments of struggle of the indigenous peoples against public policies that, for economic interests, contribute to the deforestation of the region, but also the inexorable arrival of technological modernization to remote villages with the well-known interest that this progress awakens in these communities.

I explain to Ricq and Tochtermann that a question arises about this project right from the cover: although the photographic work carried out is formally documentary, the fact that it exists around a personal letter makes me feel that there is a personal need to tell this story. Ricq explains to me that the title was chosen since their first trip to the region in 2011. They both photographed as if they were sending their photos to Manser, as if they wanted to tell him the story first and foremost. Behind Manser’s struggle, Ricq recognizes at first a kind of reflection of his own research; a quick look at Ricq’s projects such as The man who sold the world I and II helps us understand this connection. As for Tochtermann, Manser’s name and the curiosity to work on him come from Ricq. In his photographic work, mainly focused on architecture, Tochtermann accumulates about twenty explorations in abandoned places in which he photographs the history, the absence, the emptiness of these unusual places. Tochtermann insists on the importance for him to tell the story with an objective distance, by being meticulous.

After nine years of travelling back and forth to meet Bruno Manser, Ricq and Tochtermann’s project has aroused enthusiastic interest at the Swiss publishing house Sturm&Drang. The authors and the publisher work hand in hand and the result reflects all the details of this exhaustive investigation.

Leafing through the book, when I pause on each of its legends, I realize that I am making these different journeys at the same time. Bruno Manser’s journey, his way from Switzerland to Borneo, and his life with the Penans, but also – or especially – the journey of Ricq and Tochtermann to all these places, once Manser’s territories, to reconstruct his history. To all these journeys is my own journey, the one that is taking place in the comfort of my armchair, in April 2020, after 36 days of confinement in France. My fingers run through the thick but silky texture of the Symbol Tatami paper in which the book is printed, I let myself be taken to the places of these double-pages scattered throughout the book. I ask myself questions, I get lost in the jungle.

In our current context, I realize that the precepts on which the book is based are more current than ever. The eternal and archaic question of what tomorrow’s world will be like has become a reality for most of us, while it has existed for years for a few. Among them, Bruno Manser. Meeting him, confronting his research, putting the pieces together, imagining possible ends, discovering oneself, all this in a book, in a letter – practically a declaration of intent.
I forgot to ask the authors how they think Bruno Manser would read their letter. I imagine that the answer will remain unanswered, like those occult messages in bottles that throw themselves into the infinity of the sea without knowing if they will ever reach port.

 

 

*The formula of our entry is inspired by the « Exit Authorization » documents that the French government has imposed on its citizens during the COVID-19 confinement. Normally, it is necessary to choose from 5 valid reasons to be able to leave the country. We are all required to have a printed authorization at the time of departure, and they are valid for one hour only.

 

About the authors: 

Letter to Bruno Manser is the result of the first collaboration between photographers Isabelle Ricq and Christian Tochtermann. Christian TochtermannIsabelle, who spent several years photographing the destruction of tropical forests and their replacement by huge oil palm plantations, and Christian, an architectural photographer passionate about what abandoned places have to say about people, have found in this project the perfect convergence between their fascination for the march of history, the imprints of the past, and the expression of their convictions.

Isabelle Ricq‘s website / Christian Tochtermann‘s website

 

About the book: 

Sturm&Drang

Price : 89SFR

Hardcover with embossed image
fold out pages
23,5 x 28 cm, 270 pages, 234 images.
ISBN: 978-3-906822-28-0 (french) / 978-3-906822-27-3 (german) / 978-3-906822-24-2 (english)

 


Oleñka Carrasco

Writer and photographer, Oleñka Carrasco will put her emphasis on the service of Viens Voir once a month, for the discovery of photobooks, artists’ books, photo-text books, but also independent publishers. In short, all trends of the book object. Fanatic about creating stories, she will be our guide to exploring the world of books.

Email : hola@olenkacarrasco.com / Internet : olenkacarrasco.com / Instragram : olenkacarrasco


Versión Española

Entrelazar testimonio, compromiso ecológico e imaginario en un libro fotográfico

 

Nuestra photobookista Olenka Carrasco certifica que su salida está vinculada al motivo*… fuga imaginaria que es esencial para nuestras vidas presentes, pero también para los compromisos futuros, gracias al libro Carta a Bruno Manser de Isabelle Ricq y Christian Tochtermann. 

Un viaje de ida, esa imagen siempre ha sido una metáfora para mí de lo que significa leer un libro. Hay libros que te hacen reconsiderar esa idea para confirmarte que no se trata de un solo viaje, sino de múltiples posibilidades de realizar un recorrido. Hoy quiero hablarles de un libro en el que viajaremos en formas muy diversas aún estando encerrados en casa. Hoy, les invito a acompañarme a un periplo exótico y misterioso, una investigación, la evolución y la desaparición de una leyenda del activismo ambiental. Veniros conmigo a descubrir Lettre à Bruno Manser de Isabelle Ricq y Christian Tochtermann.

Recibo un libro enigmático acompañado de algunas palabras de sus autores hace unas cuantas semanas. No busco ninguna información, intento no leer el argumentario hasta que me sumerja en la lectura del ejemplar. Es mi forma de trabajar, me gusta tener una primera vivencia entre el libro y mi lectura. A simple vista, una edición clásica ; por sus dimensiones me hace pensar en un catálogo o un libro de arte, en la portada una imagen me recuerda las junglas tupidas y tropicales de Laos o de Venezuela que algún día recorrí. El título, Lettre à Bruno Manser, grabado en blanco, en la cobertura rígida, me recuerda lo mucho que me gusta el género epistolar. Como subtítulo : “la desaparición del hombre Penan”. Imagino, a juzgar por las 270 páginas, que aquí hay un misterio. Abro el libro, me percato del mapa de la segunda y la tercera página. Cierro el libro pero no lo abandono, y no es hasta el comienzo del confinamiento en Francia por el COVID19, que me entrego a sus páginas. Me pareció el momento idóneo para escapar de los muros de concreto de mi encierro rumbo a la jungla de Borneo.

El libro está construido como una carta dirigida a Bruno Manser. Para quienes no lo conocen, Manser (Suiza, 1954) es un personaje emblemático que dio mucho de qué hablar, y algún que otro quebradero de cabeza a jefes de estado y gobernantes. Catalogado como un activista ambiental, la historia de Manser pasa desapercibida hasta 1984 cuando decide integrar una de las últimas comunidades aborígenes que practican el nomadismo como forma de vida, los Penan en Borneo. El libro, minucioso y detallado, nos ayuda a conocer a Bruno Manser con una serie de imágenes realizadas por los autores, así como imágenes de archivo del propio Manser, o de sus diarios, fotografías pertenecientes a su familia y a sus colaboradores. El hilo conductor de todo ese corpus fotográfico, formalmente documental, es esa carta fragmentada en pequeñas leyendas que en el fondo nos cuentan su historia.

Una historia que se presenta en 2011 a Ricq y Tochtermann como un rompecabezas completamente desordenado, con piezas faltantes, con piezas demás, sin un principio y sobre todo sin un final, o con un final incierto. Una de las características más elocuentes y explotadas de la imagen de Bruno Manser es el hecho de su desaparición: en mayo del año 2000, Manser desaparece en la selva de Borneo sin dejar rastro; después de años de búsqueda, es oficialmente declarado muerto en 2005 aunque no se encuentre rastro de su cuerpo.

Pero entre 1984 (incluso un poco antes) y 2005 hay veinte años de la historia de Manser, de su vida y de su lucha contada en el libro con ingeniosos saltos entre el pasado, el presente y un poco del futuro.

En la conversación que mantengo con Ricq y Tochtermann convengo en que la construcción de ese rompecabezas no es una tarea fácil, la lucha de Manser, su forma de vida, su desaparición han servido para generar una leyenda, un mito que puede ser muchas veces tergiversado, manipulado o contado con ciertos intereses. Ésta, es una de las cuestiones fundamentales para los autores, que transforman la resolución de ese enigmático rompecabezas en un proyecto personal que dura nueve años. Ellos costean y financian toda la realización de este trabajo, hasta el momento de la producción editorial. A sabiendas de los intereses que pueden moverse alrededor, Ricq y Tochtermann quieren poder unir las piezas, descubrir y contar posteriormente la historia sin tener que responder a ninguna entidad.

Entendiendo la importancia de ser fiel a la historia más objetiva de la vida de Manser, y haciéndome eco de la forma en la que los autores tratan su vida, yo misma decido no parafrasear nada. En el libro, no solamente está contada la vida de Bruno Manser, de una forma brillante, los autores hacen referencia a un presente que Manser no pudo conocer mostrando así momentos de la lucha de los pueblos autóctonos de la región contra las políticas públicas que bajo intereses económicos contribuyen a la desforestación de la región, pero también la inexorable llegada de la modernización tecnológica a los pueblos remotos con el consabido interés que dicho progreso despierta en estas comunidades.

Explico a Ricq y Tochtermann que una pregunta gira en torno a este proyecto desde la portada. Si bien el trabajo fotográfico realizado es formalmente documental, el hecho de hacerlo existir alrededor de una carta personal me hace intuir que hay una necesidad propia de contar esta historia. Ricq me explica que el título existió para ellos desde el primer viaje a la región realizado en el año 2011. Ambos fotografiaban como dirigiendo esa fotografía a Manser, como queriendo contarle a él la historia sobre todas las cosas. Detrás de la lucha de Manser, Ricq reconoce al principio una especie de reflejo de su propia búsqueda, un rápido vistazo en proyectos de Ricq como The man who sold the world I y II, nos ayudan a entender esta conexión. Si nos referimos a Tochtermann, el nombre de Manser y la inquietud de trabajar sobre él llegan de la mano de Ricq, en su haber fotográfico, principalmente centrado en la arquitectura, Tochtermann acumula una veintena de exploraciones a lugares abandonados en los que fotografía la historia, la ausencia, el vacío de lugares insólitos. Tochtermann me insiste en lo importante que era para él contar la historia con una distancia objetiva, siendo minuciosos.

Después de nueve años de idas y vueltas al encuentro de Bruno Manser, el proyecto de Ricq y Tochtermann despierta un entusiasta interés en la editorial suiza Sturm&Drang. Trabajan mano a mano con el editor y el resultado refleja todo el detalle de la exhaustiva investigación.

Al hojear el libro, al detenerme con pausa en cada una de sus leyendas, me doy cuenta de que estoy realizando varios viajes al mismo tiempo. El viaje de Bruno Manser, su recorrido de Suiza a Borneo, y su vivencia junto a los penan, pero además, o sobre todas las cosas, el viaje de Ricq y Tochtermann a todos esos lugares otrora territorio de Manser para reconstruir su historia. Se acompasa a todos esos recorridos, mi propio viaje, ese que se realiza en la comodidad de mi sillón, en abril 2020, después de 36 días de confinamiento en Francia. Mis dedos recorren la textura espesa pero sedosa del papel Symbol Tatami en el que está impreso el libro, me dejo llevar a los lugares de esas páginas dobles salpicadas en el libro. Me hago preguntas, me pierdo en la jungla.

En nuestro contexto actual, me doy cuenta de que los preceptos alrededor de los que gira el libro son más actuales que nunca. La eterna y archipresente cuestión de cómo será el mundo de mañana se ha vuelto una realidad para muchos, cuando ya existía desde hace años para unos cuantos. Entre ellos, Bruno Manser. Encontrarse con él, confrontarse con su búsqueda, reunir piezas, imaginarse finales, descubrirlo, descubrirse, todo eso recogido en un libro, en una carta, casi una declaración de intenciones.

Me olvidé de preguntarle a los autores ¿cómo creen que leería Bruno Manser esta misiva? Imagino que la respuesta quedará en suspenso, como esas notas ocultas en botellas que se lanzan a la infinitunidad del mar sin saber si algún día llegarán a puerto.

*La fórmula de nuestra entradilla está inspirada en los documentos de « Autorización de Salida » que el gobierno francés ha impuesto a sus ciudadanos durante el confinamiento COVID-19. Normalmente es necesario elegir de entre 5 razones válidas para poder efectuar una salida al exterior. Todos estamos obligados a tener una autorización impresa al momento de salir, y son válidas solo por una hora.

Sobre los autores:

Carta a Bruno Manser es el resultado de la primera colaboración entre los fotógrafos Isabelle Ricq y Christian Tochtermann. Isabelle pasó varios años fotografiando la destrucción de los bosques tropicales y su sustitución por enormes plantaciones de palma de aceite, y Christian, un fotógrafo de arquitectura apasionado por lo que los lugares abandonados tienen que decir sobre la gente, han encontrado en este proyecto la perfecta convergencia entre su fascinación por la marcha de la historia, las huellas del pasado y la expresión de sus convicciones.

 

Sobre el libro: 

Sturm&Drang

Precio : 89SFR

Hardcover with embossed image
fold out pages
23,5 x 28 cm, 270 pages, 234 images.
ISBN: 978-3-906822-28-0 (french) / 978-3-906822-27-3 (german) / 978-3-906822-24-2 (english)


Oleñka Carrasco

Escritora y fotógrafa, Oleñka Carrasco pondrá su acento al servicio de Viens Voir una vez al mes para descubrir fotolibros, libros de artistas, libros de foto-texto, así como editores independientes y festivales. Su principal interés: las tendencias del libro como objeto. Fanática de contar historias, ella se volverá nuestra guía de exploración en el descubrimiento del mundo de los libros.

Email : hola@olenkacarrasco.com / Internet : olenkacarrasco.com / Instragram : olenkacarrasco